Ce texte est un extrait de la revue bretonne Feiz ha Breiz (novembre 1928).

Quand on va de Quimper à Douarnenez après avoir traversé la plaine de Guengat on chemine dans une large vallée entourée de collines semblables dont les pieds sont boisés et les hauteurs parsemées de landes et de fougères avec des roches grises sur les sommets. Le train s’arrête dans une localité appelée Le Juch et alors on peut voir surgir à sa gauche parmi la verdure et les maisons blanches du bourg une église d’une grande beauté dominant la rivière paisible et claire qui va se jeter dans la mer à la grève du Ris entre Ploaré et Kerlaz.

Ce qui fit la renommée première du Juch ce fut son château dont on aperçoit les murs et les tourelles sur la butte toute proche de l’église. Il y a cent ans de cela on pouvait voir des pans de ce château encore debout mais aujourd’hui c’est tout juste si on trouve un bout de mur caché par l’herbe et les ronces. Les seigneurs du Juch étaient des guerriers courageux et de bons chrétiens. L’un d’entre eux, dit-on, Hervé du Juch accompagna Pierre Mauclerc, Duc de Bretagne, aux croisades et se rendit avec lui en Terre Sainte. Il laissait chez lui son épouse Aliénor de Pont-Croix qui était si chagrinée du départ de son seigneur qu’elle fit serment de ne plus parler à quiconque tant que celui-ci serait en campagne. Pour ne pas aller contre sa parole elle se retira dans la plus haute salle du donjon où elle demeura les sept années que dura le voyage de son mari. Un soir cependant celui-ci revint et sonna de la trompe devant le pont-levis du château pour qu’on lui ouvrît les portes. La Dame descendit aussitôt de sa tour pour embrasser avec tendresse celui qu’elle attendait depuis si longtemps.

En souvenir de ce serment si sévère et si scrupuleusement respecté – trouverait-on beaucoup de femmes capables de se taire pendant sept ans ? – le seigneur du Juch prit comme devise : « La Non Pareille » et fit mettre au sommet de son écusson, sur lequel on voit un lion debout, une tour avec une dame regardant par la fenêtre.

Au nombre des descendants de la seigneurie du Juch figurent un évêque de Saint Pol de Léon mort en 1369, sept capitaines de Quimper, Concarneau et Tonquédec et plusieurs des personnages les plus hauts placés de la cour de nos Ducs.

La dernière à porter le nom de cette seigneurie illustre fut Marie du Juch, dame du Chastel et de Coëtivy qui se maria en 1501 avec Tanguy, seigneur du Chastel et de Trémazan.

Le blason représentant les alliances de ces deux familles est toujours visible sur l’un des vitraux de la belle chapelle Notre Dame de Kerdévot en Ergué-Gabéric. Après avoir appartenu aux du Chastel le château du Juch entra dans la propriété des seigneurs Gouyon, Rosmadec, Névet et Franquetot de Coigny. On distingue le lion du Juch sculpté dans la voûte du porche de l’église du Juch.

Blason sur la voute du porche

Cette église a d’abord été conçue comme chapelle du château ; ensuite elle a servi d’église en tant que trêve de Ploaré ; ce n’est que vers 1850 qu’elle devint église paroissiale. Elle a été construite en grande partie au 16ème siècle. Sur le cadran solaire situé au-dessus de la porte sud on lit la date 1652 ainsi que les noms de messieurs H. GVEGVENOV RECTEUR et JEAN KERSALE. CVRE. Près de l’écusson des seigneurs de Rosmadec.

Le clocher a été élevé en 1700.

Vue du clocher
Ogive au-dessus de la porte du clocher

Les arches de la nef centrale sont hautes et belles. Sur la grande vitre du chœur on voit Notre Sauveur sur la croix entre les deux larrons, entouré de centurions et des pharisiens. Ce vitrail est ancien et de grande valeur.

De chaque côté du grand autel se trouve la statue de N.D. du Juch et de l’archange Gabriel. Une autre grande statue de ce dernier se trouve dans une chapelle latérale.

Plus bas on peut admirer un bel autel en pierre élevé en 1705.

La statue du diable est située à gauche dans l’église. C’est un diable très fameux ; il offrait autrefois une image effrayante, tant il était affreux et avait l’air menaçant ; la nouvelle mouture, malgré toute la peine qu’a pu se donner le sculpteur, n’est pas aussi horrible que le diable d’origine bien qu’on l’ait affublé de sabots de cheval, de cornes de taureau et d’oreilles de cochon.

Les marins de Douarnenez, Tréboul et Pouldavid prétendent lui vouer un culte particulier et quand ils viennent en pèlerinage au Juch ils lui fourrent dans la bouche des mégots de cigarettes et de vieilles chiques en guise d’offrandes. Le démon est terrassé par un Saint-Michel qui n’a guère l’air plus méchant que lui bien qu’il brandisse une épée de bois au-dessus de sa tête.

L’église N.D. du Juch, N.D. de la Bonne nouvelle est un lieu très fréquenté par les pèlerins ; les marins y viennent en grand nombre. En 1856 le recteur Monsieur. Jossin écrivait à Mgr L’Evêque qu’il avait vu un matelot à la barbe grise faire le tour de l’église sur ses genoux nus avec les larmes aux yeux pour remercier la Vierge. Cet homme originaire de Douarnenez s’appelait Guillaume Billon ; il naviguait d’Alger à Marseille sur un navire chargé de soufre quand en pleine tempête la foudre s’abattit sur leur bateau entraînant un incendie de la dangereuse marchandise qu’ils transportaient. Aussitôt lui et un autre marin invoquèrent N.D. du Juch et eux seuls eurent la vie sauve ; les autres marins moururent étouffés par la fumée pestilentielle du soufre.

C’est avec l’huile de la lampe qui brûlait devant l’archange Gabriel de l’église du Juch que Michel de Nobletz et le Père Maunoir guérirent de nombreux malades. Saint-Maudez aussi était l’objet d’un culte particulier au Juch. Sa statue de bois a disparu de l’église mais on conserve quelques reliques de lui dans une châsse d’argent et on peut toujours le voir représenté sur le grand vitrail.

Témoignage du miracle de Michel De Nobletz et du Père Maunoir

GP

Il a vraisemblablement été écrit et illustré par Louis Le Guennec.