Lorsqu’éclata la première guerre mondiale, celle que l’on croyait la dernière, je rejoignis mon régiment, le 118 ème R. I. de Quimper où j’avais effectué mon service militaire de 1906 à 1908.

J’ai alors participé aux plus grandes batailles du conflit : la Somme, la Marne et Verdun ; à la prise du fort de Vaux par les troupes françaises, j’étais là aux côtés d’un officier extraordinaire qui s’appelait Henri Trellu. J’étais mitrailleur et disposais d’une arme rapide et précise mais qui s’enrayait au moindre encrassement. Un forgeron est toujours un peu mécanicien et je savais, fort heureusement, comment traiter les caprices de ma « Saint-Etienne ».

L’effroyable boucherie de Verdun qui devait ébranler les nerfs les plus solides, provoqua les réactions les plus imprévues et parfois dramatiques. Un jour, un officier dans un état de surexcitation anormale, nous donna l’ordre d’attaquer dans des conditions invraisemblables. La compagnie fut pratiquement anéantie. Je fus un des rares survivants et je n’entendis plus jamais parler de cet officier. Il avait dû tomber un des premiers.

Durant toute cette guerre, je ne reçus qu’une seule blessure : une balle explosive me déchira l’avant-bras, devant Tahure, alors que je mitraillais consciencieusement les lignes ennemies. Hospitalisé à Vitry-le-François, je demandai à rejoindre mon unité au bout d’un mois, l’atmosphère de l’hôpital me déprimant étrangement. Bien que cette blessure ne fût pas très grave, elle devait me gêner bien souvent par la suite. Et ce fut l’armistice. J’étais sain et sauf, par miracle, ainsi que mes cinq frères qui avaient également fait toute la guerre. Toutefois, je ne devais regagner mon foyer que six mois plus tard, le 4 avril 1919, plus précisément. Je l’avais quitté depuis cinquante-six mois… »

Ce texte est extrait d’un article paru dans le Télégramme (janvier 1969) qui avait trait à mon grand-père paternel. J’ai repris la partie où il parlait de la guerre 14-18. Je souhaitais lui faire un p’tit clin d’œil car, si j’ai voulu donner de l’importance à ce 90 ème anniversaire du 11 novembre, c’est, dans le fond, à cause de lui. De mes 7-8 ans jusqu’à environ mes 12 ans je l’ai accompagné tous les ans à la cérémonie du 11 novembre. Je pense que je devais être la seule petite fille parmi tous ces anciens poilus. Ils étaient nombreux à l’époque sur Douarnenez. Ils étaient intarissables sur l’histoire de « leur guerre ». La cérémonie avait lieu à Ploaré vers les 10 heures et nous rentrions vers les 15 heures, à pied, tous les deux en ramassant des feuilles d’automne. J’avais entendu je ne sais combien de récits et d’exploits, certainement brodés, mais qui ont fait que j’ai toujours été très attentive à la commémoration du 11 novembre. Mon grand-père s’appelait Jean Nédélec, il était forgeron à Ploaré né en 1884, il est décédé en 1972.

Marie-Agnès Le Doaré