un procédé glaçant
Quand on parle d’abandon d’enfants, tout le monde a en tête les histoires tragiques racontées dans les grandes œuvres littéraires du XIXème siècle.
Pourtant, à cette époque un procédé glaçant et qui lui, est bien réel, symbolise toute l’ampleur et le drame de ce phénomène : les tours d’abandons, ces cylindres pivotants sur eux-mêmes à l’entrée des hospices et qui permettaient de délaisser un nourrisson en tout anonymat.
Retour aujourd’hui sur une pratique qui fit scandale et illustre le sort peu enviable de ces enfants abandonnés à la naissance et promis alors à une vie des plus difficiles.
Une mesure radicale : les tours d’abandon
Cependant, la mesure la plus emblématique de la politique impériale en matière d’enfants abandonnés est bien différente : il s’agit de l’obligation pour chaque hospice dépositaire de se munir d’un tour, un cône cylindrique pivotant qui donne à la fois côté rue et côté hospice et qui permet de déposer l’enfant de manière anonyme, avant de sonner une clochette pour avertir la sœur-tourière et de s’enfuir dans l’anonymat le plus complet.
– De tels tours ne sont pas une nouveauté : ils existent en réalité depuis la Renaissance en Italie, certains, comme l’historien Léon Lallemand, les font même remonter au XIIIème siècle, rapportant que le pape Innocent III, las de voir tous les cadavres de nouveau-nés que l’on repêchait dans le Tibre, en aurait fait créer un à Rome en 1204.
En France, ils existent aussi déjà dans plusieurs villes à la fin du XVIIIème siècle, même si l’origine du premier tour dans notre pays est incertaine : il se pourrait qu’il ait été créé par Vincent de Paul à Paris lorsqu’il fonda l’hôpital des enfants trouvés en 1638, devenu par la suite Maison des Couches, ou bien il pourrait s’agir du tour de l’hospice de Bordeaux créé en 1717.
– Néanmoins, c’est véritablement le décret de 1811 qui va généraliser l’utilisation du tour d’abandon en France, motivée par plusieurs considérations sociales et morales. Tout d’abord, l’infanticide étant alors perçu comme un crime à la fois aux yeux de l’Eglise et aux yeux du pays, dans un contexte d’angoisse démographique, le tour d’abandon est perçu comme une solution pour les filles-mères d’éviter le déshonneur en leur permettant de confier leurs enfants à l’Etat en tout anonymat.
– En outre, à une époque où le patriotisme prend de plus en plus d’importance, l’idée est de donner une seconde chance à ces enfants en les coupant de tout lien avec leur passé et leur filiation.
– Enfin, on pense que cette pratique permettra, de par le caractère radical de la séparation qu’elle induit, d’éviter les abus de la part des parents qui font élever leurs enfants aux frais de l’Etat ou de la part des femmes qui abandonnent leur enfant à l’hospice puis se présentent comme nourrices afin de percevoir une gratification financière.
C’est d’ailleurs pour cette même raison que le lieu où l’enfant est envoyé en nourrice est tenu secret et doit être situé à au moins 15 kilomètres de la ville où il a été recueilli.
Les tours d’abandons connaissent rapidement une propagation rapide en France, et à leur apogée, ils sont 251 dans tout le pays.
Une circulaire de 1812 prévoit même de donner aux enfants recueillis dans les tours des noms évoquant le lieu, la région ou l’heure à laquelle ils ont été trouvés.
Sources : compediart